En 2010 deux commissions d’enquête ont été menées sur la gestion de la « pandémie » de H1N1 : une par l’Assemblée, et une par le Sénat qui a examiné le rôle des laboratoires dans la prise de décision. A se replonger dans l’épisode H1N1, on a comme un sentiment de répétition générale et le moins qu’on puisse dire est que les enseignements de la grippe porcine de 2009 n’ont pas été tirés.
Comme toutes les commissions d’enquête parlementaires, elles n’ont pas servi à grand chose: aucune enquête approfondie n’a été menée, et tous les responsables ont nié leur responsabilité.
En tout cas, une grande partie des manquements relevés pour la gestion de crise du H1N1, la grippe « porcine », sera de nouveau pointée en 2020 puisque le même scénario se reproduit de manière amplifiée.
Une pandémie qui a fait plouf

La commission d’enquête de l’assemblée « sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination de la grippe A (H1N1) » avait entendu plusieurs fois Roselyne Bachelot, ministre de la Santé déjà issue du monde des labos pharmaceutiques, qui s’était fait piquer devant les caméras pour inciter les gens à se vacciner et assurait que le virus « peut toucher tout le monde de façon aléatoire« . Le directeur général de la Santé qui déclarait que les décès intervenaient « principalement chez les sujets jeunes » et que cela devait être « une incitation très forte à vaccination« , s’est aussi fait vacciner en public.
Après le ratage du Tamiflu qui ne guérissait pas du H1N1 (affaire qui rappelle celle du Remdesivir), on se rappelle notamment que :
- 94 millions de doses de vaccin ont été commandées dès le 16 juillet 2009 aux labos Sanofi, GlaxoSmithKline et Novartis suite à quelques annonces alarmistes, et ont été payées, afin de vacciner gratuitement toute la population pour un coût de plus d’un milliard d’euros (contre 600 à 800 millions d’euros annoncés) financé à 50 % par la sécurité sociale.
- A l’époque la grippe A était une grippe, et le virus « dominant » cette année-là était le H1N1. Du coup pour passer le seuil de pandémie on s’est basé sur l’augmentation de 45.000 consultations pour grippe comparé aux années précédentes. Mais à l’époque, des médecins responsables de réseau de remontée d’information disaient que « on ne peut exclure qu’il s’agisse d’un excès de consultations pour syndrome grippal de la part de personnes qui ne seraient pas venues consulter en ‘temps normal’, c’est-à-dire en l’absence de médiatisation de la pandémie« . Donc la notion de « pandémie » était en fait sujette à caution. Le 13 janvier la « pandémie » était finie en France.
- Les voix dissidentes, comme Bernard Debré qui expliquait que la grippe A n’était « pas dangereuse« ou les internautes sur les réseaux sociaux ont été attaquées et bannies.
- Malgré cela, seulement 6 millions de français se sont fait vacciner,
- La commande de 50 millions de doses a été résiliée (ce qui a entraîné un surcoût), d’autres stocks ont été revendus, d’autres (19 millions, 400 millions d’euros) détruites.
- Plus de 1000 centres de vaccination ont été ouverts avec du personnel médical mobilisé,
- Il avait été question en août de fermer les écoles et de faire des cours à distance.
- Les médecins généralistes ont été tenus à l’écart de tout le processus de décision et de soin,
- Des contrats ont été passés avec quatre labos (GSK, Pasteur, Novartis et Baxter) pour, déjà, empêcher les victimes d’effets secondaires de lancer des procédures contre les laboratoires ayant fourni les vaccins pour 712 millions d’euros. Pour les trois derniers labos cités, des articles dans les contrats précisaient :
« A titre dérogatoire et considérant les circonstances exceptionnelles qui caractérisent le présent marché, l’Etat s’engage à garantir le titulaire [du contrat] contre les conséquences de toute réclamation ou action judiciaire qui pourraient être élevées à l’encontre de ce dernier dans le cadre des opérations de vaccination, sauf en cas de faute du titulaire ou sauf en cas de livraison d’un produit non conforme aux spécifications décrites dans l’autorisation de mise sur le marche.«
- La campagne de vaccination a coûté au total plus de 2 milliards.
- L’OMS avait joué un rôle prépondérant dans la communication alarmiste, parlant de « pandémie » après en avoir modifié les critères, et dans la mise en place des campagnes vaccinales. C’est ainsi que le 26 juin 2009 on [1] nous a annoncé que « la moitié de la population française était susceptible d’être touchée par le virus de la grippe A en l’absence de vaccin« . Après la fin de la pandémie, le 18 février, l’oMS demandait qu’on ajoute le vaccin H1N1 au vaccin contre la grippe normale.
- La campagne de vaccination a commencé le 20 octobre et le 11 novembre un premier cas d’effets secondaires (un syndrome de Guillain-Barré) a été signalé. Deux injections étaient prévues à la demande des labos alors qu’une seule suffisait.
Entre les deux vagues de vaccination, les autorités ont assuré que très peu d’effets secondaires avaient été signalés, et qu’ils n’étaient vraiment pas graves.
La campagne fut un bide. Seulement 10% des soignants se sont fait vacciner avec la nouvelle mixture qui comprenait des adjuvants, et 5,6 millions de français.
Les « bugs » de 2020 déjà présents en 2010

L’Assemblée a mis en place une commission d’enquête à la demande des députés de centre, mais ses interrogations étaient orientées et bien cadrées: il s’agissait notamment de savoir pourquoi si peu de français s’étaient fait vacciner et quelle avait été l’influence des « campagnes anti vaccins« .
L’affaire du Tamiflu a été soigneusement laissée de côté, tout comme les procédures d’autorisation de mise sur le marché, ou encore « le rôle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et notamment de ses experts (…) sur la question des liens d’intérêt susceptibles d’exister entre experts et laboratoires« . Pourtant, le British Medical Journal avait publié une enquête sur les rémunérations des experts de l’OMS par les labos.
Une autre commission d’enquête parlementaire été créée par les sénateurs de gauche pour étudier le « rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe H1N1« . Elle avait mis en cause l’impartialité des experts, le déséquilibre des contrats passés avec les labos au détriment des contribuables, la « surestimation constante du risque par le gouvernement« , la « dramatisation infondée de sa communication« , une « stratégie vaccinale surdimensionnée« , une prise de décision « en vase clos » et finalement un « gaspillage de fonds publics« .
Un député avait noté que « Les pays européens se sont livrés à la course à l’échalote et ont sauté à la corde devant les labos au lieu de jouer collectif. Chacun en a commandé le plus possible pour être livré le plus vite possible« .

Les liens d’intérêt entre les experts consultés par le gouvernement et l’industrie pharmaceutique ont été soulignés, mais Bachelot a répondu que « Ce n’est pas parce qu’un expert va travailler pour un laboratoire que son expertise n’est pas valable ou qu’elle est orientée » et la commission sénatoriale a conclu qu’on ne pouvait pas remettre en cause « leur intégrité« . Ils avaient demandé que le haut conseil de la santé et autres comités Théodules de la santé soient dirigés par des personnes indépendantes du politique et sous la responsabilité de l’administration.
Le président de la commission d’enquête du Sénat François Autain a tout de même dit que « les firmes pharmaceutiques (…) ont su au cours des années s’infiltrer dans tous les rouages de la santé. On s’est aperçus qu’un certain nombre d’experts qui travaillaient au comité contre la grippe ou au comité de vaccination, au mois de novembre 2009 n’avaient pas encore rendus publics leurs liens d’intérêt avec les laboratoires« . Jean-François Delfraissy, alors directeur de l’Institut de microbiologie et des maladies infectieuses à l’INSERM, avait évoqué ses liens avec les labos [2].
« Il n’est pas admissible que des autorités chargées d’assurer une mission de service public d’une importance vitale soient à la merci des fournisseurs de vaccins« , indiquait le rapport sénatorial, « En outre, les contrats de préréservations ont pu être largement remis en cause lors de la négociation des contrats définitifs et n’ont donc apporté aucune garantie aux acheteurs, ni en termes d’approvisionnement, ni en termes d’exécution du contrat« .

Les contrats passés avec les labos ont été qualifiés par les sénateurs de « déséquilibrés et rigides », les exigences des fournisseurs de « démesurées » [4], et le rapport ajoute: « Les entreprises cocontractantes ont imposé à l’EPRUS, outre des commandes fermes et non révisables qui ont rendu impossible toute adaptation de la stratégie vaccinale nationale, des clauses étendues de garantie de leur responsabilité, tout en évitant, quant à eux, de prendre aucun engagement contraignant.
Le moins étonnant n’est pas que le ministère de la santé ait partagé le souhait de ses partenaires de garder secrets ces contrats, ce qui ne pouvait que le faire apparaître comme seul responsable de leurs conséquences sur le défaut de réactivité et le coût de la stratégie vaccinale nationale ». D’autres pays comme l’Espagne ou la Suisse ont bien mieux « négocié ».
Les effets secondaires des vaccins ont été apparemment assez nombreux, mais il n’y aurait quasiment pas eu de décès alors que pour 5,6 millions de personnes vaccinées, un médecin spécialiste répond à la commission qu’on s’attendait à 929 morts.
Les victimes de ces vaccins ont apparemment des difficultés à obtenir les indemnisations (pourtant ridicules) du gouvernement. L’une d’elles, atteinte notamment de narcolepsie-cataplexie depuis sa vaccination à l’âge de 11 ans, attend toujours. 200 personnes seraient touchées par les mêmes effets secondaires en France.
Finalement, il y a eu 18.449 décès annoncés dans le monde à cause du H1N1, chiffre modifié en 2012 par l’OMS pour passer à « 200 à 300.000 morts ». En France par contre, nous en sommes restés à 349 décès [5]. Pourquoi les débats ont-ils porté sur l’ « échec de la vaccination » au lieu de se féliciter d’avoir évité des effets secondaires inutiles?
[1] Le Pr Daniel Floret, alors président du Comité technique des vaccinations (CTV) du Haut conseil de la santé publique (HCSP). Aujourd’hui il en est vice-président. Cette affirmation était basée sur un calcul à partir d’un certain « taux de reproductivité » du virus. Floret participe aujourd’hui à l’organisation de la vaccination de masse.
[2] Entendu le 2 juin 2010, Delfraissy a déclaré aux sénateurs: « dans le cadre du Sida, je suis expert international pour le compte d’un certain nombre de laboratoires pharmaceutiques. Lorsque j’ai pris mes fonctions de directeur, j’ai annoncé à mon conseil d’administration que j’arrêterai toute relation au niveau national mais que je garderai pour certaines formes d’expertises les boards internationaux de l’industrie, que je revendique comme nécessaires pour participer à la collaboration internationale. Il s’agit de Merck, Gilead et Tibotec.
J’ai également fait partie de la fondation Roche mais je considère que ce n’est pas un lien puisqu’il s’agit de participer à une fondation. Tout le problème est de savoir comment se situe une fondation par rapport à un laboratoire industriel mais il n’y a aucun lien financier entre les laboratoires et ce que j’ai pu faire dans ces deux fondations. Je considère donc qu’il s’agit d’un apport à l’activité d’une fondation« .
[3] Louis Merle, président de la commission de pharmacovigilance de l’Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS), a expliqué : « Le Pandemrix a entraîné beaucoup de problèmes locaux. On injectait au niveau du deltoïde et les personnes se plaignaient de douleurs qui ont parfois duré longtemps et qui étaient inquiétantes. Le Panenza a entraîné davantage de manifestations générales fébriles chez les enfants. Certains ont eu de la fièvre et ont convulsé. Ce sont des effets indésirables auxquels on s’attendait, qui sont connus. Vingt et un décès ont eu lieu dans la dizaine de jours suivant l’utilisation de ces vaccins. Certains peuvent dire que c’est beaucoup mais c’est en fait très peu.
Statistiquement, sur les 5,7 millions de personnes qui ont été vaccinées, nous aurions dû avoir, indépendamment de toute vaccination, 929 morts. Nous comptons en effet approximativement 600 000 morts par an en France, soit 930 décès par semaine. Or, nous n’avons eu durant cette période que 21 décès, survenus chez des gens en mauvaise santé, pour lesquels nous avons une autre explication du décès« .
Concernant les fausses couches chez les femmes enceintes, il a précisé : « Une catégorie est, en revanche, importante, celle des décès de l’enfant chez la femme enceinte. Environ 100.000 femmes enceintes ont été vaccinées. L’essentiel de cette population vaccinée l’a été avec le Panenza, vaccin sans adjuvant. Chez ces femmes, on a dénombré 13 morts de l’enfant in utero en moyenne à 7 mois, des grossesses déjà évoluées qui auraient donc été viables. Là encore, on peut estimer que cela fait beaucoup, mais ce n’est en fait pas le cas. Statistiquement, sur la population générale, on compte 4 morts in utero pour 1.000 grossesses. Sur la période étudiée, dans les 8 à 15 jours suivant l’administration du vaccin, nous nous attendions, indépendamment de toute pathologie, à en dénombrer 400. Or, il y aurait eu 13 morts in utero chez ces femmes qui avaient reçu le vaccin« .
[4] Le principal grief est l’absence de responsabilité des labos en cas d’effets secondaires ou de vaccins défectueux: « Comme on l’a indiqué, le transfert aux Etats de la responsabilité afférente aux effets secondaires indésirables ou à l’inefficacité des vaccins pandémiques faisait partie des suggestions avancées, pour encourager la production de ces vaccins, lors de « réunions informelles » associant, sous l’égide de l’OMS, des représentants des laboratoires, des instances chargées d’autoriser la mise sur le marché des médicaments et des autorités sanitaires nationales. Cette suggestion a été retenue par les producteurs, qui ont obtenu une rédaction en ce sens des contrats de fourniture de vaccins pandémiques passés par la France en 2005 et 2009. »
[5] En avril 2010 Santé Publique France faisait état de 1.334 cas graves recensés sur tout le territoire, dont 14% de mineurs. Parmi ces cas graves il y avait 312 décès au 13 avril 2010.
#H1N1 en 2009 : Retour sur la gestion de crise et la #vaccination – Quand le scénario se répète
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